L’exposition qui a lieu en ce moment au Centre Belge de la Bande Dessinée consacre les 20 ans du Manga en Europe. Elle fait écho au très beau livre de Paul Herman consacré à cette double rencontre Orient-Occident, mais également à la première édition de Made in Asia qui prendra place aux portes de Bruxelles ce week-end.
Cette histoire est devenue un classique des salons de Bande Dessinée : il y a 20 ans, Jacques Glénat, soucieux d’exporter son catalogue sous d’autres cieux, proposa ses héros de papier aux gros consommateurs que sont les Japonais. Si leur accueil fut mitigé, il en profita pour ramener dans ses bagages, ce qui constituera une révolution pour le lectorat européen : Akira !
Bien entendu, Récré A2 et le Club Dorothée avaient déjà préparé le terrain de ce ’péril jaune’, comme certains l’entrevoyaient déjà, en diffusant les premiers animés tirés de succès nippons, comme Ken le Survivant, Albator, Goldorak, les Chevaliers du Zodiaque, Sailor Moon, Dragon Ball et bien d’autres. S’en suivit un raz de marée qui permet actuellement aux mangas d’occuper près de 40 % des nouveautés, tout en se développant sur une grande variété de thèmes et de styles tout public.
C’est dans une volonté aussi didactique que tout public, que le Centre Belge de la Bande Dessinée développe ces 20 ans de Manga en Europe, un sujet sur lequel on ne les attendait pas vraiment ! Pourtant, l’exposition étonne de simplicité, de clarté, et d’intérêt. Quand on connait le caractère parfois expansif des commentaires du CBBD, la sobriété de certains textes permet de se balader très simplement dans les thèmes abordés : on profite des explications claires centrant les différences entre Shonen, Shojo et Seinen ; des mangas classiques, sportifs, guerriers ou culinaires, ainsi que des héros incontournables comme Akira, Gunnm, Astroboy, la Rose de Versailles (Lady Oscar), Néon Genesis Evangelion, Nausicaa, One Piece, Naruto, Bleach, Berserk, Full Metal Alchimist et Death Note.
Difficile de séparer la culture Manga des jeux et figurines qui y sont liés, c’est ainsi que l’on prendra plaisir à retrouver des héros mythiques sous différentes déclinaisons, pour le bonheur des grands et des petits. Il est tout de même certains noms à laquelle l’exposition se devait de consacrer une vitrine à part entière. Si bon nombres d’originaux égaient l’ensemble de la visite, on prendra un grand plaisir à observer entre autres les très belles planches de Masamune Shirow (Ghost in the Shell), Naoki Urasawa, Osamu Tezuka et Taniguchi.
Enfin, dans un style très oriental alors que l’on n’aurait jamais pu demander à un auteur japonais de sortir ses illustrations de son contexte, c’est Frédéric Boilet, un auteur européen vivant au Japon, qui crée le fil rouge de l’exposition grâce à des images tirées de son Tokyo est mon Jardin, rehaussé de décors réels nippons : tout un poème, autant dans la forme que dans le fond.
C’est essentiellement à son commissaire que cette exposition doit sa réussite : Paul Herman a su marier sa passion du récit à son ouverture d’esprit et à sa collection de jouets pour réellement transporter le public, qu’il soit novice ou esthète. Les amateurs qui voudraient aller un cran plus loin dans cette analyse devront se pencher sur le dernier-né de ses recueils d’illustrations, Europe-Japon, regards croisés en bandes dessinées.
Plus dense que son dernier Voiliers et bulles en mer, ce livre est une invitation au voyage, à la tolérance et à la richesse des autres cultures. Paul Herman découpe son ouvrage en deux parties, la première se lisant à l’occidentale de gauche à droite, reprenant historiquement les illustrations du Japon dans les dessins de quotidien et de bandes dessinées européennes, tandis que la seconde partie du récit, pouvant se lire dans la continuité de la première, ou de droite à gauche ’à l’orientale’, reprend les premières estampes, puis mangas, évoquant l’inspiration européenne des auteurs du pays du soleil levant. Mis à part les titres des pages, tout le livre est d’ailleurs entièrement bilingue français-japonais, et les planches ainsi que les couvertures sont présentées dans leur version originale, ce qui renforce l’intérêt de l’ensemble.
Cette ’brique’ de plus de 250 pages est une réelle encyclopédie à tout amateur qui se doit, tout en symbolisant un pied de nez pour les conservateurs acharnées de tous bords : oui, la bande dessinée européenne a créé de magnifiques chefs-d’œuvre en s’inspirant de la culture nippone et vice-versa. Bien entendu, il serait impensable de les réduire à ces visions, mais ces regards croisés permettent d’enterrer la hache de guerre des défenseurs systématiques de la BD franco-belge en leur ouvrant les yeux sur les pépites à côté desquelles ils pourraient passer.
Pour prolonger ce regard à la fois passionné et interrogatif sur l’Orient, le salon Made in Asia, qui rappelle fortement celui du Japan Expo français, propose aux passionnés, amateurs ou simples curieux, une évasion ludique dans la culture asiatique et ses loisirs. Cette première édition fêtera dignement l’art qui a incontestablement contribué à valoriser et populariser la culture asiatique en occident, le Manga. Mais elle n’oubliera pas pour autant les autres incontournables orientaux, notamment la cuisine et les arts martiaux. Vous pourrez néanmoins y rencontrer d’illustres mangakas, visiter des expositions thématiques et vous entretenir avec vos auteurs favoris lors de conférences animées.
Si la formule n’est pas réellement identique à celle de Japan Expo, il nous reste à espérer qu’elle rencontrera un succès semblable.
Source ActuaBD